«Les ados ne se rendent pas compte du danger»
Les apprentis ont plus souvent des accidents que leurs collègues adultes. Est-ce de leur faute? Nous avons demandé à un médecin du travail.
Repeindre une voiture en oubliant le masque, soulever une plaque pesant une tonne sur le chantier pour avoir une réputation de «dur»: les jeunes apprentis font beaucoup de choses par fainéantise ou pour passer pour un type cool. Souvent au détriment de leur santé.
Mais pourquoi? Sommes-nous trop fainéants pour nous occuper de notre sécurité au travail? Ou sommes-nous simplement trop jeunes et immatures, et du coup, ce n’est pas de notre faute? Nous avons demandé à Samuel Iff, médecin du travail du Secrétariat d’Etat pour l’économie (SECO).
Bonjour Mr. Iff. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi les adolescents ont plus d’accidents au travail que les adultes?
Le quota d’accident chez les apprentis n’est pas si facile à expliquer. Il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu: par exemple le développement physique et psychologique, la personnalité ou encore le manque d’expérience.
Comment cela, le développement physique?
Du fait de la puberté, leurs corps ne sont encore pas aussi résistants et ils ne peuvent tout simplement pas en faire autant qu’un adulte. Les os vont encore se rallonger, les muscles devenir plus forts et les organes sont en développement. Les adolescents se rendent souvent compte qu'ils sont à bout physiquement, mais ils n’arrivent pas à dire «je n’en peux plus» sur leur place d'apprentissage, par respect ou par peur.
Et du point de vue psychologique?
Le cerveau des ados n’est tout simplement pas aussi développé que celui d’un adulte. Un jeune adulte n’apprendra qu’en mûrissant à interpréter des situations selon le contexte et à relier souvenirs et pressentiments. Et cela s'acquiert en cours d’apprentissage. De plus, les adolescents manquent d’assurance face à leurs supérieurs, c’est difficile pour eux de dire non. Qui donc aime s’opposer à un maître d’apprentissage quand il a 15 ans?
Le risque plus élevé d’accident est donc de notre faute?
Non. Les jeunes sans expérience ne peuvent pas se rendre compte des dangers, comme le font les chefs. Ils ne pensent quasiment pas à la sécurité sur le lieu de travail, parce que ils n’ont pas une vision globale et ne peuvent pas l'évaluer correctement. Il y des «dangers» plus importants à leurs yeux, comme des problèmes de couple, une mauvaise tenue vestimentaire ou se voir retirer leur portable.
Ouf, on est soulagé du coup. Ce sont donc les adultes qui sont responsables de nous?
En fait, oui. Du moins, pendant la puberté. Les formateurs ont un rôle particulièrement important pendant l’apprentissage: en tant que personne avec un job cool, on a choisi le boulot de carrossier-peintre parce qu’on trouve les voitures géniales, le formateur occupe une place plus importante que celle des parents. S’il dit, en tant que modèle, que le masque est complètement inutile, les adolescents en prendront note. Mais cela n’arrive presque jamais heureusement, et montrer l’exemple est mieux que de prêcher.
Quelles sont les professions où on constate qu'il y a le plus de plaintes?
En général, les jeunes ouvriers sont plus chargés physiquement. Ces problèmes ne sont pas forcément suivis par notre organisme, car c’est le médecin de famille qui les soigne. On s'en occupe uniquement quand des soucis arrivent fréquemment. Il faut dire qu'une maladie professionnelle met du temps à se développer, c’est plutôt rare qu’elle se déclenche chez les ados. Ce que je peux dire en tout cas: après les problèmes d'ouïe, ce sont les maladies des voies respiratoires et de la peau qui sont les plus fréquentes. Cela touche par exemple les boulangers qui souffrent d’asthme à cause d’une allergie à la poussière de farine, et les coiffeurs, qui font de l'eczéma pendant leur travail.
Est-ce que du coup on prévient les apprentis boulangers et les apprentis coiffeurs, du genre «attention, vous risquez de tomber malade»?
La plupart des adolescents ne connaissent pas ou peu les dangers liés à leur apprentissage. Le formateur devra en parler et les thématiser pendant la formation. Il y a pas mal de matériel d’information à disposition à ce sujet.
Que devraient et peuvent faire les jeunes pour se protéger des problèmes à long terme?
Prendre l’initiative de s’informer. Vraiment. Parce que les adolescents ne font pas exprès d’avoir des accidents. Ils sont tout simplement incapables de prévoir et d'évaluer le danger. Mais il y a une chose que la jeune génération fait, c’est apprendre. Aussi bien par l’expérience que par les exemples des adultes expérimentés, pour éviter ainsi de commettre des erreurs.